Allez, avouez, vous l'attendiez celui-là. En fait, vous êtes même venus plusieurs fois voir sur le blog depuis le 8 novembre pour voir je l'avais fait. Et vous vous étonniez même.
Bon, j'avoue aussi, j'ai tardé. Parce qu'il fallait digérer, déjà, parce que je voulais prendre le temps de faire un article bien long, aussi, et parce que j'ai justement un peu manqué de temps dernièrement (comme d'habitude), enfin.
Mais après tant d'attente... LE VOILA !
L'article sur les élections américaines.
Je vais commencer par dire que oui, on a été un peu choqué. On a suivi, bien sûr, la soirée électorale, mais on suivait déjà depuis pas mal de temps sa préparation aussi. Et on aurait aimé pouvoir dire qu'on était surpris...
Mais, côté prof oblige, je vais prendre les choses dans l'ordre et de manière organisée (ça c'était l'introduction, du coup) et je vais commencer par présenter un peu ce système électoral différent du notre dans lequel on peut gagner par le nombre de votants mais pourtant perdre une présidentielle. Et dans lequel les bulletins de vote peuvent être recto-verso et ressembler à un examen de code de la route...
Le système américain est un système de démocratie à la fois plus directe que nous, sur les lois notamment, et plus indirecte, sur le président. Et ils ont tendance à grouper les votes...
Le Président
D'abord, les citoyens américains et certains résidents ont donc voté pour choisir leur président. Ils votent tous les quatre ans, pour autant de candidats qu'il y a de partis. Oui, parce qu'il y a plus de deux partis...
Pour être candidat, il faut : être né aux Etats-Unis (d'où le débat sur l'acte de naissance d'Obama), avoir plus de 35 ans, être résident aux Etats-Unis depuis plus de 14 ans.
Chaque état décide alors des délégués envoyés aux conventions nationales de chaque parti pour sélectionner le candidat de ce parti : ce sont les primaires et caucuses. Les primaires sont gérées par les états eux-mêmes et les gouvernements locaux, le vote est à bulletin secret. Les caucuses, plus impressionannts, sont des rencontres organisées par un parti, où le vote a lieu en général en fonction de la position des votants dans la salle : des groupes se forment pour chaque candidat, les indécis au milieu et une série de discours visent à persuader les indécis comme les adversaires. Après les discours et les déplacements de chacun , on compte combien de délégués ont gagnés chaque candidat. Si primaire et caucuses sont "open", on peut voter pour n'importe quel parti, si c'est "closed" on doit être inscrit dans un parti pour voter pour son candidat, si c'est "semi-open", "semi-closed"... c'est un peu freestyle.
Les votants dans ces primaires ou caucuses sont des délégués de partis. Selon les partis, le nombre de délégués total n'est pas le même en fonction des moyens de sélection... je passe les détails.
Les délégués vont aux conventions nationales. Certains sont alors obligés de voter pour "leur candidat", d'autres "superdélégués" ont encore le choix. C'est le vote du total de ces délégués à la convention qui désigne le candidat final du parti. Mais comme la plupart des délégués sont obligés de revoter pour le même candidat, les résultats se dessinent en partie en cours de route. Et il est souvent tactique pour les candidats les moins bien placés de se désister avant la convention, celle-ci ne faisant alors que confirmer le candidat déjà gagnant. Il est toutefois possible que le score soit plus serré, et alors, avec les superdélégués, la convention devient le véritable lieu de choix du candidat du parti.
Si aucun candidat n'est majoritaire à la fin... il y a une autre convention, avec des votes jusqu'à ce que ça change, avec de nouvelles règles (selon les années et les partis) pour les délégués.
C'est également lors de la convention nationale que les partis choisissent le vice-président qui se présentera avec leur candidat.
Une fois que les candidats sont décidés, arrivent les grands électeurs. Ce ne sont ni le peuple ni le parlement qui élisent le président.
Chaque état a un nombre de grands électeurs fixe, en fonction du nombre de députés que cet état envoie au Congrès (Sénat et Parlement). Ce nombre est directement lié au nombre d'habitants de l'état en question.
Chaque parti, dans chaque état, choisit ses potentiels grands électeurs, selon des règles extrêmement variables.
Quand les citoyens votent pour leur président, ils votent en fait pour choisir les grands électeurs de leur état, grands électeurs dont les noms apparaissent ou non sur le bulletin avec celui du candidat à la présidentielle en fonction des règles de chaque état.
Dans le Maine et le Nebraska, les grands électeurs sont choisis à la proportionnelle par rapport au vote des citoyens: deux pour le majoritaire et un pour l'autre. Ailleurs, la liste du candidat majoritaire est la liste de l'Etat: ses grands électeurs vont voter au Electoral College.
Les grands électeurs de tous les états votent ensuite pour élire le président le 19 décembre lors de l'Electoral College dans chaque état. Oui, en effet, ce vote n'a pas encore eu lieu.
Rien n'oblige légalement les grands électeurs à voter pour le candidat pour qui ils ont été envoyés. Il n'est toutefois jamais encore arrivé qu'une élection se renverse à ce moment-là, et un président probable est en général annoncé le jour des élections elles-mêmes.
Pour être président, il faut alors obtenir 270 des 538 grands électeurs.
Si jamais aucun des candidats n'obtient les 270 requis (ben oui, c'est un nombre total pair... ils peuvent en avoir 269 chacun !), le Parlement vote pour choisir le président parmi les trois meilleurs candidats, et le Sénat vote pour choisir le vice-président parmi les deux meilleurs candidats.
Voilà.
C'est pas compliqué, c'est bien.
Donc, en 2016. Hillary Clinton a gagné en nombre d'électeurs. Mais Trump a gagné a priori en nombre de grands électeurs. Chaque état est en ce moment même en train de tout recompter pour officialiser ses résultats et les noms de ses grands électeurs avant le 19 décembre. Le 19 décembre, les grands électeurs voteront à bulletins secrets pour le Président et le Vice-président séparément, dans leurs états d'origine. Le 6 janvier 2017, le Congrés se réunira pour compter les bulletins des grands électeurs qui seront arrivés à Washington et le Vice-Président actuel annoncera officiellement le nom du futur Président des Etats-Unis (qui sera Trump, bien sûr, faut pas rêver).
Le 20 janvier, le nouveau Président et son Vice-Président prêteront serment lors de la journée d'inauguration.
Les lois
En plus de voter pour les grands électeurs qui voteront pour le président, les citoyens votent, souvent en même temps, sous forme de référendum (oui/non) pour des lois.
En nombre plus ou moins élevé. Plus ou moins bien formulées. Se recoupant plus ou moins.
Ces lois peuvent être fédérales (nationales), par état, par county, par ville.
Par exemple, là, on a reçu un guide de vote de 223 pages...
Je ne vais pas détailler...
Ca m'épate un peu que les citoyens américains ne soient pas considérés comme capable de choisir directement leur président mais le soient par contre de voter pour des lois précises...
Préparer l'élection
Du coup, si avec les amis étrangers la discussion a toujours plutôt tourné autour de Clinton et Trump, avec les collègues et les américains la discussion a surtout tourné autour de cette liste ahurissante de lois, changeant selon l'endroit où chacun habite, et sur ce qu'elles pouvaient bien signifier... Un certain nombre de déjeuners au Lycée ont été utilisés à ce genre de débats.
La radio s'y mettait aussi, il est toujours un peu étonnant pour un français d'entendre des spots de pubs, utilisant tous les outils du marketing moderne, censé vendre une proposition de loi... sans forcément expliquer ce que cette proposition de loi contient vraiment d'ailleurs (comme pour les bonbons en somme).
Sinon, on a senti monter Trump. On y a moyennement cru jusqu'au bout, parce qu'on vit en Californie, à Los Angeles, une ville qui aurait même pu voter Bernie Sanders si on lui en avait laissé le temps. Mais tout de même. Dans les débats, dans les discussions, à la radio...
L'élection
Ben voilà. Ou comme dit Tanguy "Et Bim".
On a suivi la soirée électorale à la télévision américaine, les parents de Mathieu qui sont en vacances avec nous ont suivi à la télévision française sur internet. Assez étonnament, les média français ont annoncés pas mal de résultats avant la télévision américaine, presque une heure avant dans le cas de la Floride. Difficile d'expliquer le décalage... même si je pense que certains résultats ont parfois été interprétés un peu vite (quitte à se rétracter ou à nuancer après), et que certains résultats arrivaient aussi plus vite par voie de presse.
On a discuté, on s'en est remis.
On en a rediscuté le lendemain au Lycée, j'ai séparé ma première presque-bagarre (et réagi à l'instinct... je ne m'y attendais pas du tout: c'est à peine si j'ai entendu une insulte depuis le début de l'année)...
Par ailleurs, la Californie n'a toujours pas interdit la peine de mort, mais elle a autorisé l'usage récréatif de marijuana (jusqu'à maintenant uniquement médical). Ce que des voisins se sont manifestement empressés de fêter... et qui va faire disparaître une importante source de revenus pour les étudiants en médecine. Ah oui, et les écoles peuvent désormais enseigner intégralement dans une langue étrangère à Los Angeles (l'interdiction précédente étant la raison d'exister originelle de la section internationale du Lycée français...). Par exemple.
Et maintenant... on attend de voir.
Il y a des incidents ailleurs dans le pays, il y a quelques manifestations ou émeutes. Il y a des effets d'annonce, concernant les visas par exemple, qui pour l'instant ne semblent pas nous concerner. Il y a des nominations qui font peur... Il y a des inquiétudes chez les élèves, des questionnements...
Pour moi, oui, tout cela m'inquiète. Mais pas forcément principalement en ce qui concerne Trump, d'ailleurs. Ce qui m'inquiète c'est le mouvement global qui semble émerger dans le monde, en Europe aussi. Cette crise de la démocratie.
Les personnages politiques sont ridicules, ils ne s'occupent que de leur pouvoir et sont corrompus par ce pouvoir. La peur semble être partout et amener la violence... C'est cliché comme discours, c'est rebattu. Mais j'ai l'impression de voir les indices partout et que les gens au pouvoir justement ne voient rien.
Cette élection a donc confirmé la tristesse profonde que je ressens concernant ce qu'on devient, tous... et également une vision assez pessimiste de ce qui vient, en France, en Europe.